Quelle place pour les psychologues de l’Education nationale ?
La profession de psychologue de l’Education nationale est mise à mal.
Alors que les besoins d’aide, d’accompagnement des personnes se manifestent dans tous les domaines de la vie sociale, que les difficultés des jeunes à entrer dans la vie adulte sont pointées par de nombreux rapports, que les phénomènes de violence contre les autres ou contre soi se manifestent à un âge de plus en plus jeune, l’Education nationale saborde son réseau de psychologues.
Dans le premier degré, les postes de psychologues « scolaires » sont considérés par la RGPP comme des gisements d’économies potentielles et leur mise en extinction a été évoquée dans un document interne du Ministère de l’Education nationale en Juin 2010. L’ouverture d’un concours de recrutement interne et externe à partir de tous les masters 2 de psychologie n’est toujours pas annoncée par le ministère ni la création indispensable pour ces professionnels d’un statut spécifique de psychologue du premier degré.
Dans le second degré, les missions qui viennent d’être adoptées risquent de rester lettre morte puisque 5 conseillers d’orientation-psychologues sur 6 partant à la retraite ne sont pas remplacés. De plus, d’autres textes qui vont être publiés prévoient de leur imposer de nouvelles tâches en direction des adultes.
Les faux semblants de l’aide aux élèves.
Bien que la prévention des difficultés et l’aide personnalisée soient constamment présentes, dans les discours ministériels, les mesures prises conduisent, en fait
– A démanteler les RASED, à confier l’aide individualisée y compris pour des enfants en très grande difficulté, aux enseignants non spécialisés du premier degré, à accroître les périmètres d’intervention des psychologues du premier degré qui, débordés par les demandes, sont mis dans l’incapacité d’assumer l’ensemble de leurs missions de prévention, de suivi et d’orientation.
– A transférer l’aide à l’élaboration des projets d’avenir des élèves de collège et de lycée, aux seuls enseignants et à remplacer l’approche spécifique des conseillers d’orientation-psychologues, par l’usage de concepts et de techniques issues de la gestion des ressources humaines, réduisant la personne à son employabilité potentielle.
– A faire entrer dans l’Ecole, des organisations ou associations qui interviennent auprès des élèves et qui n’offrent le plus souvent pas les garanties de formation et d’éthique données par les psychologues sur le champ de l’accompagnement, du soutien psychologique de l’aide à l’élaboration des projets d’orientation.
La seule place laissée aux psychologues ne serait elle que le dépistage et le diagnostic?
La sollicitation de l’avis des psychologues du premier comme du second degré est de plus en plus réduit au seul champ de l’expertise en direction de publics particuliers. Leur travail dans l’institution scolaire ne saurait se réduire à cette seule expertise ponctuelle! Dans le premier comme dans le second degré, les psychologues visent également par leurs actions en direction des enfants, des adolescents, des équipes enseignantes, des familles à faciliter la mise en œuvre de conditions favorables au développement psychologique, à l’autonomie et à la réussite des élèves tout au long de leur parcours scolaire.
Les psychologues de l’Education nationale ont un rôle spécifique au sein de l’Ecole.
Ils sont les seuls professionnels formés à une écoute attentive et distanciée, manifestant de la disponibilité psychique pour aider chacun de ses interlocuteurs (élève, enseignant, parent) à mettre en mots, en lien et en sens ce qui est souvent vécu dans la difficulté, dans la souffrance. Connaisseurs de l’institution scolaire, de ses missions et de son fonctionnement, ils sont capables de nourrir leur réflexion et leurs interventions aux sources des recherches et travaux de l’ensemble de la psychologie actuelle.
Ce sont des interlocuteurs de référence pour les enseignants et les familles. Ils participent à la mise en place de dispositifs d’aides spécialisées aux élèves en difficulté et assurent les contacts avec les psychologues travaillant dans d’autres institutions, avec d’autres professionnels, avec les institutions de soins. Ils exercent si nécessaire, une fonction de médiation entre les enseignants et les familles dans la recherche constructive de liens, de dialogue et de mise en cohérence autour du projet scolaire et personnel des enfants. Ils jouent également ce rôle entre l’enfant et l’enseignant leur présence reconnue et leur disponibilité au sein de l’institution scolaire contribuent au maintien de la mémoire attentive des situations et des personnes en inscrivant leur action dans la durée.
Leurs compétences en matière d’évaluation permettent d’éclairer les enjeux de telle ou telle difficulté d’apprentissage et contribuent à l’élaboration de projets pédagogiques et/ou d’orientation adaptés aux besoins et possibilités de chaque élève.
De par leur formation, les psychologues de l’Education nationale sont appelés à intervenir, selon des modalités variées, sur des questions très diverses et souvent complexes. Ils se réfèrent au code de déontologie des psychologues.
Aujourd’hui, la reconnaissance statutaire des psychologues du premier degré n’est pas actée.
Le recrutement et la formation tant des psychologues du premier degré que des conseillers d’orientation-psychologues sont menacés.
Pourtant leur intervention au sein du service public est une assurance pour que tous les élèves quelle que soit leur origine sociale aient accès à une écoute, un suivi, des conseils personnalisés relatifs à leur scolarité et leurs projets d’avenir. Elle est également une ressource dans la mise en œuvre d’une politique éducative véritablement ambitieuse pour tous les élèves, soucieuse de lutter contre les déterminismes sociaux et de favoriser l’accès à l’autonomie et l’émancipation de tous les jeunes.
Que se passerait-il dans l’institution scolaire si, demain, il n’y avait plus de psychologue de l’Education nationale dans les écoles, dans les collèges et dans les lycées?
Comment les familles déjà pénalisées par leurs conditions de vie difficiles pourront-elles faire profiter leurs enfants, si besoin est, de cette aide capitale pour leur évolution harmonieuse ?
Les organisations signataires alertent sur les conséquences de projets guidés par la seule rentabilité des moyens investis dans le système éducatif, sur le développement et le devenir des enfants et des adolescents. Elles appellent le Ministre à en prendre toute la mesure et à entendre les propositions de la profession.
Paris, le 2 avril 2011
ACOP-F / AFPEN / SFP / SNES-FSU / SNP / SNUipp-FSU / SNpsyEN
Le CR de la Table ronde du 2 avril 2011 est mis sur site ADHERENT