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La formation des prochains psychologues infléchira-t-elle le discours médical trop présent dans l’École ?

La formation des prochains psychologues infléchira-t-elle le discours médical trop présent dans l’École ? Lors des rencontres avec les membres du cabinet du Ministère, il était évident qu’il y avait un blocage à autoriser l’accès au concours de recrutement des prochains psychologues de l’Éducation nationale, à toutes les spécialités du master de psychologie : beaucoup de réticences concernant le master de clinique, psychopathologie et même de la suspicion pour celui de psychopathologie psychanalytique. Le ministère a partiellement entendu nos arguments sur l’importance d’avoir des professionnels de spécialités diverses. Toutefois, il maintient dans son projet de construction du corps unique, une recommandation pour le master « psychologie de l’éducation et de la formation », l’appuyant d’ailleurs par la définition des spécialités du concours qu’il précise avec les termes suivants « éducation, développement, apprentissages, orientation scolaire et professionnelle ». Il ne serait pas sain que le MEN soutienne une approche des difficultés de l’enfant et de l’adolescent, comme étant seulement le résultat d’un trouble organique, en excluant que les symptômes observés à travers la difficulté scolaire, puissent être aussi le signe d’une souffrance psychique. La souffrance psychique réduite à un trouble En France, la pratique de la psychiatrie se distingue par sa dimension relationnelle plus importante qu’aux États-Unis, pays où est né le DSM[1], outil diagnostic le plus utilisé dans le monde. Sa 5ème révision publiée en 2013 (DSM 5), est vivement critiquée par nombre de psychiatres et de psychologues français. En effet, le DSM 5 décontextualise considérablement les troubles observés en particulier chez l’enfant. Il évacue toute dimension causale et sert les intérêts des laboratoires pharmaceutiques. On soigne la maladie, pas le malade. Il en résulte que la souffrance psychique d’un enfant ou d’un adolescent est réduite à l’énoncé d’un ou plusieurs troubles considérés sans preuve scientifique, comme dysfonctionnement cérébral. L’absence de prise en compte du contexte aboutit à médicaliser cet enfant, ce jeune, alors que son état relève bien souvent d’une interaction pathogène avec les contextes familial, éducatif ou pédagogique voire avec les trois. Le discours médical déjà dans la classe En dix ans, le nombre d’élèves scolarisés en France et bénéficiant d’une reconnaissance de handicap a augmenté de 107%. Depuis la création des MDPH (qui utilisent le DSM) et la prise en compte de nouveaux troubles[2], des difficultés scolaires et des comportements infantiles (instabilité, manque d’attention, relations sociales non adaptées…) sont classés troubles mentaux, avec parfois attribution d’une AESH. Le recours souvent trop rapide aux MDPH, témoigne de l’angoisse excessive des enseignants face à un système où la mesure, les évaluations quantitatives prennent une place de plus en plus prégnante et culpabilisante (évaluations nationales, de circonscription, PISA…). Le danger est d’émettre des prophéties auto réalisatrices. De plus, la réponse médicale entraîne une déresponsabilisation des professionnels pour la prise en charge psychologique et pédagogique des enfants. D’ailleurs, dès les équipes éducatives puis lors des équipes de suivi, l’approche psychopathologique des symptômes, l’analyse pédagogique des aménagements proposés, ne sont souvent entendues que comme secondaires. Des psychologues de toutes les spécialités S’il n’est pas question de remettre en cause l’engagement des enseignants et leur bonne volonté, il est inquiétant de constater que les responsables ministériels se satisfont de ce modèle médical, au point qu’ils envisagent de privilégier certaines spécialités en psychologie, par des contenus d’épreuves de concours spécifiques pour profiler les connaissances attendues des prochains psychologues de l’Éducation nationale. Pour inverser la tendance actuelle de la médicalisation, le ministère doit développer une École bienveillante, prévenante, dans laquelle les psychologues pourront recontextualiser le trouble et le symptôme, examiner les milieux de vie de l’enfant ou du jeune, au cours de temps de dialogue, d’écoute, d’observation, de partage des émotions avec eux-mêmes, leurs parents, leurs enseignants. Aucun champ de la psychologie ne peut être écarté. Les psychologues doivent pouvoir se référer aux différents modèles clinique et psychanalytique, cognitif et neuropsychologique, car l’enfant en développement est un être en relation, pas un être neuronal !
[1] Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders [2] Troubles des apprentissages, trouble déficitaire de l’attention/hyperactivité, troubles du comportement… Article publié par le SE-UNSA le mercredi 3 décembre 2014. se-unsa.org

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